Est-ce que Coppet peut encore grandir ?

Article paru dans la Côte le 10.12.2019

Faut-il mettre Coppet sous cloche?

Coppet est un village à préserver, mais aussi une commune appelée à se développer. Il n’est pas simple de concilier ces deux forces antinomiques, sources de tensions. 

Quel avenir pour Coppet? Dans la commune de Terre Sainte, cette question déchaîne les passions depuis de nombreuses années. Son fameux château, son bourg, son accès au lac, sa gare qui se développe, sa portion de route Suisse ou encore ses qualités paysagères: se projeter dans le futur s’apparente à évoluer dans un magasin de porcelaine. Autant, dès lors, éviter de se comporter comme un éléphant et faire preuve de la plus grande prudence. Se développer, oui, mais de quelle façon? Comment mettre en valeur l’existant et le préserver, sans verser dans l’immobilisme? Laurence Crémel, architecte paysagiste, enseignante à la Haute école du paysage, d’ingénierie et d’architecture de Genève (Hepia), s’est penchée sur ces questions à la demande de l’association Vision Coppet (lire encadré). La spécialiste et le syndic de Coppet croisent leur regard sur les points chauds de l’évolution de la commune.

 

LE TEMPS DES PROJETS ET LE TEMPS POLITIQUE

«Le paysage est encore trop souvent considéré comme un simple décor, il est pourtant le réceptacle de notre cadre de vie. Mais quand on parle de développement, on parle d’abord de l’humain, le paysage n’a pas de voix pour hurler ou de bulletin de vote à glisser dans une urne», expose Laurence Crémel. Pour l’enseignante, le paysage s’inscrit dans une temporalité longue, pas forcément la même que celle des politiques qui raisonnent davantage en termes de législature. «Ce qui touche l’aménagement du territoire prend de tout de façon du temps, nuance Gérard Produit. En gros, ce genre de réalisation peut prendre une quinzaine d’années, c’est long à l’échelle de la vie politique.» Assez long, en tout cas, pour voir d’autres personnes arriver aux commandes et parfois remettre en question un projet en cours de réalisation. «Et tout ça coûte de l’argent public, rappelle le syndic. Pas un coup de pelle n’a été donné du côté de la gare, mais la facture s’élève déjà à plus de 800 000 francs.»

 

DES PLACES DE PARC À DÉPLACER

Evidemment, Coppet, on y passe en voiture. Mais on s’y parque aussi. Si, concernant la traversée du bourg, des changements sont prévus à très court terme, la problématique des places de stationnement reste entière.

«Tomber sur ces places de parc situées au coeur du bourg et au bord du lac a quelque chose de heurtant et de décevant quand vous découvrez Coppet, expose Laurence Crémel. Un espace réservé au stationnement des véhicules est un espace mort.» Rendre ces zones au public et y réinsuffler de la vie est primordial, selon la spécialiste. Mais encore faut-il pouvoir se parquer ailleurs, sinon c’est le commerce local que l’on condamne. «Un parking souterrain à la gare, un à l’entrée côté Genève et un autre côté Nyon: ces trois projets m’accompagnent depuis mon élection en tant que syndic, rappelle Gérard Produit. Limiter au maximum le nombre de véhicules stationnés dans le bourg fait partie de mes priorités. L’option la plus avancée est celle côté Nyon et elle est liée au projet d’appartements protégés pour personnes âgées.» Concrètement, ce parking pourrait libérer la place du Four et celui imaginé côté Genève permettrait de rendre la place des Ormes à la population. Reste que ces infrastructures représentent des investissements massifs et leur construction demandera de nombreuses années de procédures administratives et de chantiers. «Quelle sera la place de la voiture dans nos vies ne serait-ce que dans une dizaine d’années, interroge Laurence Crémel. Il faut également y penser lorsque l’on se projette dans l’avenir.»

MIEUX CONNECTER LA GARE AU BOURG

Si l’ensemble du territoire de Coppet est potentiellement concerné par le développement du bâti, une zone en particulier concentre l’essentiel des débats et les projets les plus conséquents. D’une surface de vingt hectares – soit 10% du territoire communal – cette addition de parcelles située au sud de la gare appartient à plusieurs propriétaires, dont la famille d’Haussonville, qui possède le château, qui en détient la portion la plus vaste.

«C’est une zone importante, elle relie la gare au château et au bourg, note Laurence Crémel. Pour l’instant, ce trajet est décousu et la gare s’en trouve isolée. Vu sa position stratégique, il est impératif de ne pas y faire n’importe quoi. Et attention à ne pas prétériter le contexte naturel et bâti, il faut faire avec le «déjà-là»,

comme l’allée du château. Elle est un élément déterminant, un patrimoine à la fois généreux et vivant, un espace ouvert et public.» Le sujet est sensible, Gérard Produit en sait quelque chose: en 2008, un projet de développement destiné à accueillir 2000 habitants et des commerces avait fait couler beaucoup d’encre et entraîné la naissance de l’association Vision Coppet. Depuis, la situation s’est apaisée et rien ne sera bâti au moins jusqu’en 2030, loi sur l’aménagement du territoire (LAT) oblige. «Pour nous, ce secteur doit se développer, mais de manière concertée et en visant plutôt une densité moyenne», expose le syndic. Il rappelle qu’un grand parc public de treize hectares sur les vingt est prévu à cet endroit. Evoqué par les enfants du comte d’Haussonville, un concept de pôle muséal lié au château s’est également plusieurs fois invité dans les discussions.

 

Une vigie

L’association Vision Coppet est précisément née en réaction aux projets de développement un temps envisagés au sud de la gare de Coppet (le fameux plan directeur localisé de la gare ou PDL de la gare). Depuis, l’association veille au grain et fait valoir ses positions via le Conseil communal – au sein duquel Vision Coppet compte plusieurs élus – ou par l’intermédiaire d’autres actions. En 2018, l’association pilotait une ambitieuse enquête d’opinion afin de saisir les préoccupations prioritaires des Copétans. Fort des résultats obtenus, Vision Coppet organisait en juin 2019 une soirée événement abordant la problématique du cadre de vie, thématique arrivée en tête du sondage. Gérard Produit, syndic de Coppet, Laurence Crémel, architecte paysagiste et Rainier d’Haussonville, copropriétaire du château de Coppet, avaient pu débattre sur le futur visage de la commune et répondre aux questions du public.

PAR GREGORY.BALMAT@LACOTE.CH